Alimentation du chien et du chat à base de viande crue

Le sujet du "cru" suscite de nombreuses convictions fortes et souvent entretenues par des discours communautaires. Pourtant, l’alimentation du chien et du chat ne se résume pas à un simple choix entre croquettes et viande crue.

Derrière ces oppositions souvent simplifiée, on trouve une réalité bien plus nuancée : ration ménagère, aliments frais prêts à l’emploi, formules déshydratées, solutions mixtes. Chacune de ces approches présente des avantages, des inconvénients. Et surtout, des implications personnelles et sanitaires qu’il est essentiel de connaître.

Ne culpabilisez pas

Vous donnez des croquettes à votre animal et vous lisez partout que ce serait "mal" ? Vous n’avez ni le temps, ni le budget pour vous lancer dans la ration ménagère ? Rassurez-vous, ce n’est pas un drame !

Le régime BARF n’est pas supérieur à une ration ménagère bien formulée ou à de bonnes croquettes. Il ne suffit pas de donner du "cru" pour nourrir mieux. Les bienfaits attribués au "cru" sont souvent exagérés, voire idéalisés, notamment lorsqu’ils s’appuient uniquement sur l’argument du "naturel". Or, naturel ne veut pas dire équilibré, adapté, ou même sans danger.

C'est ce que démontre une étude parue en 2025 et qui indique ceci :

La grande majorité des affirmations des propriétaires concernant les effets bénéfiques sur la santé des régimes à base de viande crue ne sont pas étayées scientifiquement

L’anatomie et la physiologie digestive du chien et du chat leur permettent certes de consommer des produits d’origine animale crue. Mais cela ne signifie absolument pas que cette option est forcémment la meilleure.

En réalité, ce n’est pas le “cru” qui fait la qualité d’une alimentation. Ce qui compte, c’est l’équilibre nutritionnel et l’adéquation aux besoins de l’animal. Une croquette, même d’entrée de gamme, apportera toujours plus qu’un régime BARF déséquilibré. Une ration ménagère bien calculée, tout comme des croquettes adaptées, peut parfaitement couvrir l’ensemble des besoins d’un chien ou d’un chat.

La cuisson n'est pas un problème

La viande crue est souvent présentée comme supérieure à la viande cuite, sous prétexte qu’elle serait "plus naturelle", "plus riche en nutriments" ou encore "plus proche de l’alimentation originelle du carnivore". En réalité, ces affirmations tiennent davantage du mythe que de la science.

D’un point de vue nutritionnel, la viande crue n’a aucun avantage démontré par rapport à la viande cuite. C’est même souvent l’inverse. La cuisson, lorsqu’elle est bien maîtrisée (c’est-à-dire douce, sans carbonisation ni surcuisson), améliore la digestibilité des protéines, rend certains acides aminés plus disponibles, et peut même faciliter l’absorption de certains micronutriments. C’est ce qu’a mis en évidence une étude de 2018 publiée dans Journal of Animal Science.

Par ailleurs, la cuisson réduit drastiquement le risque sanitaire, en détruisant la majorité des bactéries et parasites pathogènes présents dans la viande (Salmonella, Listeria, E. coli…). Contrairement à une idée répandue, la congélation n’élimine pas ces agents, elle ne fait que les endormir temporairement. Une viande crue mal conservée ou mal manipulée représente donc un véritable danger pour l’animal comme pour l’humain.

L’appétence est aussi souvent meilleure sur viande cuite. Des études ont montré que les chiens et les chats sont plus attirés par des aliments légèrement cuits, probablement en raison des composés aromatiques qui se forment lors de la cuisson (réactions de Maillard).

Les risques sanitaires

L’un des points les plus problématiques de l’alimentation crue concerne le risque sanitaire. Aussi bien pour les animaux que pour les humains qui vivent à leurs côtés. Ce sujet est malheureusement trop souvent minimisé dans les discours pro-BARF comme l'indique le BMC Veterinary Research.

Plusieurs études ont montré que les régimes crus, en particulier ceux vendus dans le commerce, sont fréquemment contaminés par des agents pathogènes. Selon une étude publiée dans Royal Society Open Science, près de 60 % des aliments crus testés contiennent des bactéries dangereuses comme Salmonella, Escherichia coli ou Clostridium perfringens. Ces bactéries sont ensuite excrétées dans les selles de l'animal, sur ses poils, dans sa gueule ou sur les surfaces qu’il lèche… et se retrouver dans l’environnement humain.

Les régimes crus peuvent favoriser l’excrétion de bactéries multirésistantes aux antibiotiques. Ce qui pose un problème de santé publique majeur. Les animaux deviennent alors des vecteurs silencieux de transmission de germes potentiellement dangereux, en particulier dans les foyers fragiles.

C’est pour cette raison que les chiens d’assistance et chiens médiateurs, autorisés à entrer dans des hôpitaux, maisons de retraite ou écoles, ne doivent en aucun cas être nourris avec de la viande crue. Les directives en vigueur, relayées dans le Veterinary Record, sont claires sur ce point : l'alimentation crue est incompatible avec les normes d'hygiène requises pour les animaux en milieu médicalisé.

De même, les foyers comprenant des personnes vulnérables (nourrissons, jeunes enfants, femmes enceintes, personnes âgées ou immunodéprimées) ne devraient pas exposer leur animal à une alimentation crue. Une simple caresse ou un contact buccal peut suffire à transmettre une bactérie pathogène comme le démontre une étude. Les formes graves de toxi-infections alimentaires chez l’humain sont rares, mais bien réelles.

L’équilibre nutritionnel

L’un des points les plus critiques, et pourtant trop souvent négligé, dans les régimes BARF, c’est l’équilibre nutritionnel. Loin des discours simplistes du type "un peu de viande, quelques abats, un soupçon de légumes", la réalité est bien plus complexe.

Selon une étude publiée dans Journal of the American Veterinary Medical Association, plus de 60 % des rations BARF analysées présentaient un ou plusieurs déséquilibres nutritionnels majeurs. Tandis que les 40 % restantes affichaient encore des lacunes ou des excès mineurs. Cela n’a rien d’étonnant : formuler une ration équilibrée ne s’improvise pas. Les calculs à base de pourcentages génériques (80/10/10 ou variantes) ne garantissent absolument rien !

Pour établir un menu adapté, il faut :

  • Connaître les besoins spécifiques de l’animal (âge, poids, activité)
  • Avoir une bonne connaissance des apports nutritionnels des ingrédients
  • Utiliser des outils fiables (logiciels spécialisés)
  • Et souvent, ajouter des compléments ciblés (cuivre, zinc, vitamine E...)

Croire qu’on peut couvrir les besoins d’un chien ou d’un chat avec seulement des morceaux de viande et de poisson est non seulement faux, mais potentiellement dangereux. Aucun carnivore, pas même les lions ou les tigres en captivité, n’est nourri exclusivement avec de la viande brute. Dans les parcs zoologiques, des compléments spécifiques (CMV) sont systématiquement ajoutés pour éviter les carences chroniques.

Faisons le point

La viande est une excellente source de protéines, mais elle est pauvre en calcium, riche en phosphore, insuffisante en certains oligo-éléments, et absente de nombreuses vitamines essentielles. Construire une ration équilibrée demande des connaissances en nutrition et un suivi rigoureux. Sinon, on expose son animal à des dérives qui, sur le long terme, peuvent avoir des conséquences irréversibles.

Nourrir son animal, ce n’est pas juste remplir une gamelle avec des aliments “naturels”. C’est faire un choix réfléchi, fondé sur la physiologie, la science et le bon sens. Le cru, en soi, n’est ni meilleur ni pire : tout dépend de la manière dont il est utilisé, encadré, formulé. Il ne devrait jamais être imposé comme un dogme, ni être présenté comme une solution miracle à tous les maux.

Il est aussi primordial que les professionnels du monde animal prennent le temps de s'informer sérieusement sur ce sujet. Trop souvent, par manque de connaissances, ils véhiculent sans le vouloir des idées fausses ou simplistes. Contribuant ainsi à la confusion générale qui entoure l’alimentation canine et féline.

L’alimentation est un pilier fondamental de la santé de nos compagnons. Elle mérite mieux que des tendances, des raccourcis, ou des “recettes maison” bricolées au feeling. Choisir le bon régime alimentaire, c’est avant tout s’informer, s’entourer de sources fiables et demander l'aide à un professionnel si besoin.

Mais surtout, il faut garder à l’esprit que la diversité des animaux appelle à une diversité des solutions, pas à une vérité unique.