Alimentation du hérisson dans la nature et en captivité

Je vous propose aujourd'hui de sortir de ma zone de confort pour d'aborder le sujet de l'alimentation du hérisson. Pour la petite histoire, cela fait deux semaines que j'ai trouvé un hérisson errant de jour dans mon jardin. Après avoir suivi les conseils habituels dans un tel cas (conseils que j'aborderai un peu plus loin), s'est posé la question d'alimenter correctement ce petit pikpik.

Autant la nutrition du chien et du chat, je connais plutôt bien, mais pour un hérisson, c'était carrément la page blanche. Je suis donc parti à la recherche d'informations et d'études vétérinaires sur le sujet. Après avoir digéré et mis en pratique les données recueillies, j'ai pensé qu'écrire un article accessible à tous serait une bonne idée.

Et puis... comme les bonnes (et les mauvaises) nouvelles n'arrivent jamais seules, voilà qu'un deuxième, puis un troisième pikpik viennent de pointer le bout de leur nez, là encore en pleine journée.

Le hérisson en quelques mots

Il s'agit d'un petit mammifère couvert de piquants, appartenant à la famille des Érinacéidés. Le hérisson européen mesure de 20 à 30 centimètres de long (du nez à la queue) et pèse entre 800 et 1000 grammes. Les plus gros spécimens peuvent atteindre parfois 1,5 kg.

La caractéristique la plus distinctive du hérisson est sa couverture de quelque 7000 piquants. Ces piquants sont en réalité des poils modifiés, rigides et pointus, qui recouvrent presque tout le corps du hérisson. Les piquants sont principalement de couleur brun clair à brun foncé et mesurent 2 à 3 cm de longueur.

Le corps du hérisson est trapu et recouvert de poils bruns, parfois mélangés à des poils plus clairs sur le ventre. Les hérissons ont de petites pattes avec des griffes adaptées pour creuser et fouiller la terre à la recherche de nourriture. Son museau est pointu, et il a de petits yeux et des oreilles rondes.

Les hérissons sont principalement nocturnes, ce qui signifie qu'ils sont actifs la nuit et dorment pendant la journée. Ils sont généralement solitaires et passent une grande partie de leur temps à la recherche de nourriture. Au printemps, les hérissons s’organisent spatialement et socialement durant un mois : recherche de nourriture, exploration de leur environnement, création de contacts...

La période de reproduction s’étale de fin avril à fin août, mais peut s’étendre de mars jusqu’en septembre. Durant cette période, seuls les adultes non-reproducteurs continuent à vagabonder. De septembre à début novembre, les jeunes de l’année se dispersent et toute la population s’alimente de manière intense pour se préparer à l’hibernation. L’hibernation dure de trois à cinq mois, le plus souvent de décembre à mars.

Régime alimentaire naturel

Classé parmi les insectivores, le hérisson est plutôt omnivore avec une prédominance pour les sources animales. Il consomme ce qu’il trouve au sol, en explorant pendant plusieurs heures une surface restreinte de quelques mètres carrés. Si les proies se font plus rares, il peut parcourir plusieurs centaines de mètres.

Son alimentation est principalement composée d'invertébrés, bien que ces animaux soient opportunistes et puissent manger divers types de nourriture. Parmi ces invertébrés, on trouve des scarabées, des hannetons, des charançons... mais également des limaces, des escargots, des lombrics et même quelques arachnides.

Des vertébrés peuvent également être au menu, comme des batraciens, des reptiles, des petits oiseaux et des petits mammifères (parfois sous forme de charogne). Les hérissons peuvent subtiliser des œufs dans les nids terrestres des oiseaux. On sous-estime généralement la part des œufs dans l’alimentation des hérissons (Moss et Sanders, 2001).

En plus des protéines animales, les hérissons consomment parfois des fruits et des baies. Une étude indique que les végétaux peuvent constituer jusqu’à 12% du régime alimentaire (Campell, 1973). En milieu urbain, les hérissons peuvent parfois se nourrir de restes de nourriture humaine, comme du pain ou des restes de viande.

Le sens du goût a été testé chez le hérisson. Il apparaît que les saveurs acides et amères sont évitées alors que les saveurs sucrées et salées sont recherchées.

Ils ont une excellente ouïe et un bon odorat pour repérer leur nourriture.

Courbe de croissance

Il faut savoir qu'un jeune hérisson non sevré possède l’un des gains moyen quotidien (GMQ) les plus élevés des insectivores. En effet, un petit peut prendre en moyenne 0,88% du poids adulte par jour (Fowler, 1988).

Les jeunes hérissons peuvent prendre jusqu'à 12 grammes par jour sur une moyenne de 6 semaines. Les hérissons élevés en station de sauvegarde peuvent gagner 3 grammes par jour la première semaine. Puis gagner 4 grammes  jusqu’au 14ème jour, soit 49 grammes en deux semaines. Une fois que le hérisson sait se nourrir seul, son GMQ atteint plus de 10 grammes par jour.

Les données du CEDAF permettent de tracer une courbe de croissance approximative du hérisson juvénile :

Courbe de croissance du hérisson juvénile

Cette courbe de poids doit être confrontée avec des caractéristiques anatomiques et physiologiques.

Les piquants blancs percent à une heure de vie. Les piquants bruns, plus petits et plus resserrés, sont visibles à partir de 36 heures. À ce stade, le hérisson est sourd et aveugle. Les poils commencent à pousser, notamment sur le museau, vers les 10 jours.

Les yeux s’ouvrent entre 12 et 20 jours de vie, puis c’est le tour des oreilles. Le hérisson commence à marcher avec ses pattes antérieures. Les premières incisives supérieures deviennent visibles. Le hérisson se met alors à se nourrir d’aliments solides.

À 3 semaines, le hérisson à une apparence d’adulte miniature.

Les besoins énergétiques

Le métabolisme de base du hérisson se calcule approximativement à l'aide de la formule suivante :

BEb = 70 x poids en kg du hérisson ^ 0,75 kcal

Pour exemple, un hérisson adulte de 900 grammes a un besoin énergétique de base de 65 kcal par jour.

Contrairement aux calculs du besoin énergétique d'entretien chez le chien ou le chat, on parle ici uniquement du métabolisme de base. À celui-ci s'ajoutent les dépenses énergétiques pour le déplacement, la prise alimentaire, la digestion, etc. Un hérisson sauvage actif a un besoin énergétique journalier de 2,5 à 3 fois son besoin de base ce qui donne 170 à 210 kcal/kg de poids vif et par jour (Reeve, 1994).

Pour un hérisson sain, en captivité dans un centre de soin, le besoin énergétique est d’environ deux fois le besoin lié au métabolisme de base. Ce qui représente pour un hérisson adulte environ 125 kcal par jour (Stevens, 1995).

Une femelle gravide ou en lactation a un métabolisme 3 fois plus élevé qu’un hérisson dans les mêmes conditions de vie. Ce qui donne un besoin de 520 à 630 kcal/kg de poids vif et par jour (Smith, 1999).

Les besoins nutritionnels

Le lait est extrêmement concentré, sa matière sèche représente 45,2 g pour 100 g de lait. Il est notamment très riche en protéines et en graisse. Les protéines représentent pas moins de 16% de la composition du lait.

La graisse est la principale source d’énergie, le lait est ainsi constitué de 25,5% de matière grasse, ce qui apporte 70% de l’énergie du lait de hérissonne (Landes et al. 1997).

Composition chimique de lait de hérissonne (100 g) :

Nutriments Valeurs Minéraux Valeurs
Energie (kcal) 320 Magnésium (g) 0,03
Protéines (g) 16 Sodium (g) 0,09
Lipides (g) 25,5 Potassium (g) 0,15
Lactose (g) 0,07 Fer (mg) 1,79
Calcium (g) 0,41 Cuivre (mg) 0,26
Phosphore (g) 0,27 Zinc (mg) 3,02

La digestibilité des protéines est élevée et peut atteindre 93%. La digestibilité des lipides varie de 80% à 92% en fonction de la composition lipidique. Une forte proportion d’acides gras insaturés permet d’augmenter la digestibilité. Les glucides (ou ENA) sont relativement bien digérés avec une digestibilité variant de 67 à 86%.

Composition chimique d’un aliment complet (100 g MS) :

Nutriments Valeurs Minéraux Valeurs
Energie (kcal) 480 - 620 Ca (g) 0,4 à 0,9
Protéines (g) 30 - 60 P (g) 0,25 à 0,6
Lipides (g) 20 - 30 Ca/P 1,3 à 2
Fibres (g) 2 - 3 Magnésium (mg) > 150
ENA (g) 40 (max) Sodium (mg) > 150

Pour la croissance et la reproduction, une densité énergétique de 570 à 620 kcal/100g MS, une teneur en calcium de 12 g/kg MS et une teneur en phosphore de 8 g/kg MS sont nécessaires. Chez les animaux en croissance, la teneur en fibres doit être de 1 à 2%.

En cas d’utilisation d’amidon hydrolysé, la proportion d’ENA peut être augmentée, jusqu’à 50% de l'énergie totale, aux dépens de la teneur en matière grasse.

Le lait de hérissonne

La nutrition du jeune hérisson orphelin est un problème du fait de la teneur en lactose des laits de substitution. Les laits de vache et d’autres espèces de mammifères ne sont pas assez riches aussi en matière sèche. Aussi, aucun lait commercial pour carnivores domestiques ne suffit totalement à combler les besoins énergétiques et en minéraux. Si on donne du lait de vache ou un lait maternisé classique au jeune hérisson, le lactose provoque des diarrhées.

On peut tenter de nourrir le jeune hérisson avec un mélange d’œufs crus et cuits, de fromage blanc et d’huile végétale d'après Landes et al. 1997. Dans cette recette, il y a également 0,7 g de complément minéral et 0,5 g de carbonate de calcium. En se basant sur les dernières données nutritionnelles du Ciqual, et sur les CMV actuellement disponibles, cette recette peut être adaptée comme suit :

Pour 100 grammes de lait de substitution :

  • 15 g de jaune d'œuf cru
  • 30 g d'œuf brouillé
  • 7 g d'huile de soja
  • 30 g de fromage blanc 0% M.G.
  • 2,5 g de Vit'i5 orange
  • 15,5 g d'eau

Le lait doit être donné au biberon plusieurs fois dans la journée. Malheureusement, aucune étude ne fournit une fréquence de tétée par animal et par jour. Il est juste préconisé de donner 10 repas par jour jusqu’à un poids de 100 g puis 5 jusqu’au sevrage à 5 semaines.

On doit administrer au petit l’équivalent de 20 à 25% de son poids, tous les jours.

Les aliments industriels

Lorsque les hérissons sont recueillis par des centres de soin, ils sont souvent affaiblis et amaigris. Ils nécessitent une prise en charge thérapeutique mais aussi alimentaire. La nourriture vendue dans le commerce "pour hérissons" est souvent peu adaptée avec une composition très éloignée des besoins nutritionnels du hérisson.

Il est possible d'opter pour un aliment de haute qualité, à base de poulet, prévus pour chats ou pour petits chiens. On va cependant éviter les produits bas de gamme de type friskies ou équivalent.

Il faut savoir que les hérissons sont souvent lents à accepter de nouveaux aliments. Les changements de régime alimentaire doivent être effectués en douceur. On considère qu'un aliment est bien digéré par le hérisson s’il ne provoque pas de désordre digestif.

Principaux laits de substitution :

ESBILAC CHIOT
RC RECOVERY
RC BABYCAT MILK
CARNIVORE CARE
EMERAID CARNIVORE

Références d'aliments du marché :

PURINA ONE Junior
SMILLA Petit chat
RC BABYCAT 34
GOURMET GOLD

Lorsque les premières dents apparaissent, aux alentours de 125 g, on peut apporter une alimentation semi-liquide à base de croquettes humidifiées. Il faut compter de 50 grammes de croquettes par jour. La plupart du temps, vous pouvez laisser des croquettes à volonté tout en surveillant la prise de poids. Si pendant une nuit, la gamelle est vidée, c’est que la quantité donnée est peut-être insuffisante.

Enfin, de l'eau fraîche doit être disponible en permanence. La plupart des hérissons apprennent rapidement à boire dans des bouteilles ou dans des bols d'eau.

Ration ménagère sur mesure

On peut tout à fait élaborer des menus de rations ménagères qui couvrent les besoins nutritionnels du hérisson.

Comme pour le lait de substitution,  Landes et al. proposent différentes recettes à base de bœuf, de volaille, d'œufs et d'huile végétale. En se basant sur les dernières données nutritionnelles du Ciqual, et sur les CMV actuellement disponibles, ces recettes peuvent être adaptées comme suit :

Ingrédients Recette 1 Recette 2 Recette 3 Recette 4
Bœuf haché 5% MG 65 g 70 g
Poulet ou Dinde 66 g 66 g
Œuf entier 25 g 20 g
Huile (tournesol, soja, isio4) 5 g 6 g 9 g 10 g
Son de blé 2 g 1 g 2 g 1 g
Flocons d'avoine cuits à l'eau 20 g 20 g
Vit'i5 rouge (sans phosphore) 3 g 3 g 3 g 3 g
Energie (kcal/100 g) 170 163 208 200
Protéines (% MS) 56,8 53 59,6 55,6
Lipides (% MS) 32,4 30,2 31,4 30,4
Fibres (% MS) 2,6 2,4 2,2 2
Calcium (g/kg MS) 9,9 9,6 8,1 7,9
Phosphore (g/kg MS) 6,7 5,7 6,8 6

IMPORTANT :

Les quantités indiquées pour le bœuf, la volaille et les œufs sont des quantités avant cuisson. Les flocons d'avoine sont indiqués cuits, les quantités sont donc à peser après cuisson. La viande, les œufs et l'huile sont à faire cuire ensemble dans une poêle à feu doux. Le Vit'i5 rouge (sans phosphore) est à ajouter au mélange final, ne surtout pas le faire cuire. En cas de diarrhée, remplacer le son de blé par du son d'avoine et ajouter 1 g à la quantité indiquée. Le son de blé ou d'avoine est à donner cru.

En règle générale, on évite de donner de la viande ou des œufs crus en raison du risque de contamination par des salmonelles. On peut facilement remplacer le son de blé/avoine par 10 g de carottes cuites ou de haricots verts cuits.

Pour faire plaisir et/ou grossir, on peut donner un peu de miel ou du fromage de chèvre frais. On peut également donner de la compote de pommes, de la confiture, de la crème de marrons, et même des vers de farine séchés. Les fruits frais comme la banane, la pomme, la poire ou la pêche sont également les bienvenus en petite quantité.

Conseils de premiers secours

Si vous trouvez un hérisson errant de jour, il s'agit dans tous les cas de figure d'une urgence. Vous pouvez contacter une association comme Alliance Hérissons qui vous indiquera la meilleure marche à suivre, de 6h du matin à 2h du matin, par message privé depuis leur page Facebook.

Surtout, ne restez pas indifférent devant tout hérisson couché sur le côté, amorphe ou statique que vous pourriez trouver, particulièrement en journée. Ne jamais donner de lait ou de pain, le hérisson n'est pas capable de le digérer.

Tout ce qui n'est pas grand comme votre main (environ 600 grammes), ne peut pas passer l'hiver. Si on dérange un nid avec une maman et des bébés, on empêche immédiatement la maman de partir et on ne touche jamais les bébés sans avoir de gants.

Même avec une température de 30°C, le premier geste sera de préparer une bouillotte pour réchauffer le hérisson via une chaleur de contact. Il faut savoir que le premier ennemi est l'hypothermie qui altère l'animal en état de choc. Ne pas hésiter à mettre un bol d'eau pour qu'il puisse se réhydrater, type plat à gratin ou dessous de pot de fleurs.

On ne baigne ou ne mouille jamais un hérisson trouvé de jour. De même que l'on ne met jamais de Frontline ou la moindre pipette antiparasitaire sur un animal que l'on vient de trouver.

Rappel de la loi

Le hérisson est un mammifère intégralement protégé en France au titre de l'article L411-1 du code de l'environnement. Il est interdit de détruire, capturer, mutiler, enlever les hérissons et les perturber dans leur milieu naturel. Leur détention, transport, naturalisation, commerce (vente ou achat) et utilisation sont strictement interdits.

Toute atteinte aux individus ou à leurs sites de reproduction est un délit passible de 3 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende. Ces interdictions portent sur les spécimens vivants et morts ainsi que sur les morceaux anatomiques.

Il faut savoir que garder chez soi un hérisson blessé ou en détresse le temps de le soigner, reste une infraction aux yeux de la loi française. Il faut donc emmener l'animal dans un centre de sauvegarde habilité, qui sera en capacité de lui apporter les meilleurs soins.